L’absence dans le budget de 2023 du Transfert canadien en matière de santé mentale inquiète sérieusement l’Association canadienne pour la santé mentale (ACSM).
Le gouvernement fédéral abdique ses responsabilités en omettant de créer ce transfert, une politique que l’on attend depuis longtemps et qui était pourtant une priorité de son mandat. L’engagement d’établir le Transfert canadien en matière de santé mentale apparaît noir sur blanc dans le programme électoral des libéraux de 2021 et dans les lettres de mandat subséquentes aux ministres de la Santé. Ce nouveau transfert permanent devait aider les provinces et territoires à élargir la prestation de services de santé mentale de haute qualité, accessibles et gratuits. La promesse de ce financement fédéral dès 2021, avec un investissement initial de 4,5 milliards $ sur cinq ans, ne s’est jamais concrétisée.
Le budget de 2023 prévoit plutôt un financement de 2,5 milliards $ par année sur 10 ans. Cette somme sera octroyée dans le cadre d’accords bilatéraux avec les provinces et territoires et se répartira entre quatre priorités en matière de dépenses de santé, dont les soins de santé mentale.
Ce nouveau financement se traduira peut-être par une augmentation des soins de santé mentale fournis par des médecins ou dans les hôpitaux. Or, l’ACSM craint qu’il ne permette pas de répondre à la demande croissante pour les soins de santé mentale et de santé liée à la consommation de substances offerts dans la communauté. L’ACSM juge que les accords bilatéraux ne sont pas le moyen le plus efficace de financer pleinement le système de santé mentale.
« L’ACSM est profondément préoccupée par le fait que ce budget ne prévoit pas les investissements cruciaux dont les prestataires de services communautaires ont tellement besoin pour faire leur travail », a déclaré Margaret Eaton, cheffe de la direction nationale de l’ACSM. « Le budget est en total décalage avec la réalité de la population canadienne, son bien-être et sa capacité de se payer des services de santé mentale. Je pense que le gouvernement rate la cible, et que nous en paierons le prix sur le plan humain et économique. »
Des recherches récentes indiquent que la santé mentale de la population se détériore en raison de l’augmentation du coût de la vie. Les personnes affectées par l’inflation présentent un taux plus élevé d’anxiété (33 %) et de dépression (32 %) autoévaluées, un taux plus élevé de diagnostic récent d’un trouble de l’humeur depuis la pandémie (14 %) et un taux plus élevé d’idées suicidaires (31 %). Qui plus est, l’inflation force des gens à limiter leurs dépenses liées à la santé.
Au Canada, l’accès gratuit à des soins de santé mentale et de santé liée à la consommation de substances est limité. Les régimes publics d’assurance maladie ne couvrent que les services fournis par des médecins ou en milieu hospitalier. Il faut donc payer de sa poche pour la psychothérapie, le counseling, la gestion de cas par des travailleurs sociaux et des travailleuses sociales et les traitements en matière de troubles du comportement alimentaire et de rétablissement des dépendances, entre autres. Les Canadiennes et les Canadiens paient 1 milliard $ par année pour obtenir des services de counseling ou de psychothérapie en cabinet privé. Mais qu’en est-il de celles et ceux d’entre nous qui n’en ont pas les moyens?
L’ACSM demande depuis longtemps au gouvernement fédéral de consentir des investissements permanents importants dans les soins communautaires de santé mentale et de santé liée à la consommation de substances. Depuis trop longtemps, le gouvernement s’appuie sur les organismes de bienfaisance et à but non lucratif pour combler les lacunes du système en fournissant des services de base. Plutôt que de faire face à leur obligation de fournir gratuitement des soins de santé mentale publics, les gouvernements permettent de plus en plus aux entreprises privées d’assurer la prestation de ces services.
Considérant les longues listes d’attente et la demande croissante de soins, l’ACSM demeure vigilante face au lancement du 988. Cette ligne de prévention du suicide et d’assistance en cas de crises de santé mentale entrera en service à l’échelle du pays en novembre prochain. Le gouvernement fédéral prévoit qu’il y aura de quatre à six fois plus d’appels, et les personnes au bout du fil devront être dirigées vers des services dans leur communauté. Le 988 aura donc une incidence directe sur la demande de programmes et services de santé mentale. Bien que le budget de 2023 octroie un certain financement à l’Agence de la santé publique du Canada pour soutenir la mise en œuvre et l’administration du 988, aucune somme n’a été allouée aux organismes communautaires qui assurent, en première ligne, la prestation des services d’intervention en cas de crise et de prévention du suicide.
Il importe plus que jamais de financer convenablement les services de santé mentale, de santé liée à la consommation de substances et de rétablissement des dépendances. Le budget de 2023 échoue à financer la santé mentale communautaire de manière adéquate. Les personnes en crise de santé mentale n’auront d’autre choix que de se tourner vers les urgences, une situation qui exerce une pression toujours plus grande sur la capacité et les ressources hospitalières.
À propos de l’Association canadienne pour la santé mentale
Fondée en 1918, l’Association canadienne pour la santé mentale (ACSM) est l’organisme communautaire du secteur de la santé mentale le plus vaste et le mieux établi au Canada. Présente dans plus de 330 collectivités réparties dans toutes les provinces et au Yukon, l’ACSM emploie 7 000 personnes et mobilise 11 000 bénévoles. Ces forces vives font la promotion de la santé mentale et offrent des programmes et des ressources qui contribuent à prévenir les problèmes de santé mentale et les troubles mentaux, à soutenir le rétablissement et la résilience, et à permettre à toute la population canadienne de s’épanouir pleinement. Pour en savoir plus, visitez le www.acsm.ca.
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Emma Higgins
Agente nationale de communications
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